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GUILLAUME GARDET
Avocat médiateur - Docteur en droit

Le Cabinet Guillaume GARDET est un cabinet d'avocat de tradition généraliste implanté à Lyon dans le Rhône, en Région Rhône-Alpes.

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Responsabilité du parent et résidence habituelle de l'enfant

Le 19 novembre 2012
Le parent chez lequel ne réside pas habituellement l’enfant mineur, ne peut voir sa responsabilité personnelle systématiquement engagée pour des fautes commise par son enfant.

Prolégomènes

Le parent chez lequel l’enfant réside habituellement, est automatiquement responsable des faits dommageables commis par son enfant, sans que le parent ne puisse prouver son absence de faute. Aux termes des dispositions de l’article 1384 alinéa 4 du Code civil, « Le père et la mère, en tant qu'ils exercent l'autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux. »

Cet article pose des conditions relatives à l’enfant et aux parents pour que cette responsabilité solidaire joue de façon automatique.

D’une part concernant l’enfant, il doit être l’enfant du couple, mineur non-émancipé et doit être à l’origine sinon d’une faute, en tout cas d’un fait dommageable pour les tiers.

D’autre part sur les conditions relatives aux parents eux-mêmes, ceux-ci doivent-être les « vrais » parents aux yeux de la loi, être titulaires de l’autorité parentale et l’enfant doit habiter avec les deux parents.

 Ce dernier point retient ici notre attention : c’est la question de la cohabitation de l'enfant avec le parent.

Deux cas de figure se présentent lorsque les parents se séparent.

 Soit la cohabitation de l’un des parents et de l’enfant résulte d’un accord conventionnel entre les pères et mères, en l’absence de toute décision de justice.

 Soit cette cohabitation résulte d’une décision de justice, suite à un divorce par exemple, ou une requête aux fins de faire fixer la résidence habituelle de l’enfant chez l’un des deux parents.

 

Un petit préambule s’impose ici.

 

 Préambule : que faut-il comprendre par « habitant avec eux » ?

Précisons simplement qu’un très long débat jurisprudentiel s’est tenu sur la question de la cohabitation. La jurisprudence a estimé nécessaire de devoir faire un choix entre une approche strictement matérielle et concrète de la cohabitation (est-ce que l’enfant vivait effectivement avec ce parent au moment des faits reprochés à l‘enfant ?), ou une approche plus théorique, abstraite, de principe, bref... Une approche cantonnée au principe juridique.

 La jurisprudence a retenu bien évidemment la seconde option.

 Au terme d’une évolution jurisprudentielle sur laquelle nous ne reviendrons pas ici, la notion de cohabitation a été purement et simplement assimilée à la résidence habituelle de l’enfant telle qu’elle résulte soit de la loi, soit d’une décision de justice.

 Conséquence d’une telle décision : le parent chez lequel l’enfant réside habituellement en vertu de la loi ou d’une décision de justice, est automatiquement responsable des faits dommageables commis par son enfant, sans que ce parent ne puisse invoquer l’absence de faute de sa part. On parle de responsabilité de plein droit.

 

Ce dogme jurisprudentiel est présenté en ces termes dans un arrêt en date du 08 février 2005 qui a été abondamment commenté et critiqué (Crim. 08 févr. 2005, n° 03-87447) :

 « les père et mère d'un enfant mineur dont la cohabitation avec celui-ci n'a pas cessé pour une cause légitime ne peuvent être exonérés de la responsabilité de plein droit pesant sur eux que par la force majeure ou la faute de la victime. »

 

Qu’est-ce qu’une cause légitime ? La réponse est simple au regard de l’ensemble des décisions jurisprudentielles rendues : est une cause légitime la loi ou une décision de justice.

 Et la volonté des parents ? Non, aucunement !

 

De là, deux cas de figure possible donc : soit les parents décident d’un commun accord de la résidence de l’enfant sans recourir à justice et auquel cas aucune cause légitime ne semblerait en mesure d’écarter la responsabilité personnelle de plein droit des deux parents (2). Soit la résidence de l’enfant résulte d’une cause légitime c’est-à-dire la plus part du temps, d’une décision de justice auquel cas, le parent avec lequel l’enfant ne réside pas habituellement pourra échapper sous certaines conditions à cette responsabilité de plein droit (1).

 

1. Résidence chez l’un des parents de l’enfant du couple en vertu d’une décision de justice

 Seule une décision de justice est à même de faire cesser la cohabitation. Une fois ce principe posé, les conséquences doivent en être utilement tirées et elles peuvent-être surprenantes.

 

A. Existence d’une décision de justice fixant la résidence habituelle de l’enfant

 

l'interruption de la cohabitation ne peut résulter que d’une décision qui impose une rupture dans le lien de résidence habituelle du parent et de l’enfant, comme le font par exemple, les décisions de placement de l'enfant au titre de l'assistance éducative ou encore de la liberté surveillée.

 

C’est le cas également d’une décision de divorce fixant la résidence de l’enfant chez l’un des parents : bien que l’un des parents puisse avoir l’autorité parentale, celui-ci est considéré par la justice comme n’étant pas responsable de plein droit dès-lors que la résidence habituelle est fixée chez l'autre parent et que le fait dommageable commis par l’enfant n’a pas eu lieu durant son temps de visite (Civ. 2ème, 21 décembre 2006, n°05-17540).

 

 

B. Mise en œuvre récente de la responsabilité des parents séparés

La responsabilité de plein droit incombe au parent chez lequel la résidence habituelle de l'enfant n’a pas été fixée ne peut se voir opposer une responsabilité de plein droit des dommages causés par son enfant mineur, même si ce parent exerce conjointement l'autorité parentale et est bénéficiaire d'un droit de visite et d'hébergement.

Cette solution vient d’être reprise très récemment par la Chambre criminelle de la Cour de cassation (Crim. 06 novembre 2012, n°11-8685) :

« (...) Vu l'article 1384, alinéa 4, du code civil ;

Attendu qu'en cas de divorce, la responsabilité de plein droit prévue par le quatrième alinéa de ce texte incombe au seul parent chez lequel la résidence habituelle de l'enfant a été fixée, quand bien même l'autre parent, bénéficiaire d'un droit de é » (-^¡é d'hébergement, exercerait conjointement l'autorité parentale (...)


Cet arrêt est sans équivoque possible.

 

 C. Quelques cas de figures « surprenants »

Deux cas de figures méritent l’attention.

D’une part lorsque l’enfant créé un préjudice alors qu’il se trouve avec le parent attributaire du seul droit de visite et d’hébergement, est-ce que l’autre parent chez lequel la résidence habituelle de l’enfant est toujours responsable de plein droit (a) ?

D’autre part, les parents qui n’ont pour ainsi, dire jamais vécu avec leur enfant mais sans qu’aucune décision de justice ne soit intervenue sur la question de la résidence habituelle de l’enfant, restent-ils responsables de plein droit (b) ?

 La réponse est « OUI » à ces deux questions. Explications

 

 a. Responsabilité « perpétuelle » du parent chez lequel l’enfant a sa résidence habituelle

 C’est ce dont il résulte du dogme de la Cour de cassation. Lorsque l’enfant commet un fait dommageable pendant que l’autre parent exerce son droit de visite et d’hébergement, le parent chez lequel l’enfant a sa résidence habituelle ne connaît point de repos ni de cause d’exonération à sa responsabilité de plein droit (En ce sens, un arrêt de la Cour d’appel de Limoges du 05 août 2003 rapporté dans la revue Responsabilité civile et assurance en 2004, commentaire n°59, note Ch. Radé).

Cette solution bien que radicale est somme toute logique : l’exercice du droit de visite et d’hébergement ne créé aucune rupture dans le lien juridique entre le parent chez lequel l’enfant a sa résidence habituelle et l’enfant lui-même.

 

 b. Cas de figure du parent n’ayant jamais vécu avec son enfant

 L’arrêt du 08 février 2005 déjà évoqué et qui parle de « cause légitime » (Crim. 08 févr. 2005, n° 03-87447) traitait du cas d’un mineur de 13 ans qui avait vécu avec sa grand-mère pendant près de 12 années sans avoir vu sa mère. Ce garçon avait provoqué un incendie et la Cour d’appel avait alors déclaré la grand-mère responsable au titre de la responsabilité du fait des personnes dont on a la garde (article 1384, alinéa 1er du Code civil) en raison du pouvoirs d'organiser et de contrôler le mode de vie du mineur avec l'accord des parents.

 

La Cour de cassation a censuré cette analyse au motif suivant : « le mineur avait été confié, par ses parents, qui exerçaient l'autorité parentale, à sa grand-mère » ce qui « n'avait pas fait cesser la cohabitation de l'enfant avec ceux-ci ».

 

En clair, même si l’enfant n’a jamais vécu avec ses parents, ceux-ci peuvent voir leur responsabilité engagée.

 

 

2. Résidence chez l’un des parents de l’enfant du couple en l’absence de toute décision de justice

 

A. Absence d’exonération de la responsabilité de plein droit du parent chez lequel l’enfant n’a pas sa résidence

 Il s’agit de l’hypothèse de la séparation d’un couple vivant maritalement (hors mariage) et se sépare à l’amiable, sans recourir à justice quant à la résidence de l’enfant.

 

Dans ce contexte et bien que les parents ne résident plus ensemble, les deux parents restent responsables de plein droit de leurs enfants mineurs non-émancipés.

 En effet et en-dehors de toute décision de justice venant modifier juridiquement la relation des parents et de leur enfant, la cohabitation de l’enfant mineur se fait toujours avec ses parents.

 

 B. La convention de procédure participative pour la résidence habituelle de l’enfant mineur

Une question se pose alors au regard de la Convention de procédure participative. Si les parents décident d’utiliser ce procédé pour régler la question de la résidence de l’enfant. Pourra-t-elle être utilement invoquée pour exonérer la responsabilité du parent chez lequel l’enfant n’aura pas sa résidence habituelle ?

La convention de procédure participative : une cause légitime ?

 

a. La convention de procédure participative, rappel

 En effet, une telle convention de procédure participative peut être utilisée dans le cadre des rapports familiaux afin de régler à l’amiable et sans le recours au Juge aux affaires familiales, la question de la garde des enfants et les aménagements des droits de visite.

 

Il serait très probablement peu envisageable de se servir de la convention de procédure participative pour restreindre conventionnellement un champs de responsabilité qui par nature, découle de la loi.

 

 b. La Convention de procédure participative, cause légitime ?

 En revanche, est-ce que la Cour de cassation, lorsque la convention règlera la question de la résidence habituelle de l’enfant, acceptera de considérer cette Convention de procédure participative comme étant une « cause légitime » d’exonération du parent chez lequel l’enfant n’aura pas sa résidence, au même titre que la loi ou la décision du juge ?

 

Cela reste à déterminer...